STCRP et son Laboratoire de recherches psychotechniques

Le LABORATOIRE de RECHERCHES en PSYCHOLOGIE

 de la S.T.C.R.P. 

Société des Transports en Commun de la Région Parisienne

Inauguration le 7 janvier 1925 du Laboratoire de Psychotechnique de la STCRP / RATP

Extrait du journal « L’Auto » du 8 janvier 1925 « UNE SCIENCE NOUVELLE »

« On a inauguré hier le laboratoire de psychotechnique de la S.T.C.R.P »

Hier, vers 15 heures, a eu lieu l’inauguration officielle du laboratoire de psychotechnique de la S.T.C.R.P. devenue ultérieurement la R.A.T.P.

inauguration3M. Painlevé (rangée inférieure, de droite à gauche, n°3), président de la chambre, accompagné de MM Moro-Giafferi (à sa gauche sur la photo), sous-secrétaire d’Etat à l’Enseignement technique ; Paul Morain, préfet de police ; Naudin, préfet de Seine ; Mariage, président du conseil d’administration ; Bacqueyrisse, directeur général de la S.T.C.R.P. ; Famechon, directeur du service des permis de conduire automobiles ; J.M. Lahy, psychologue,  (rangée supérieure, de droite à gauche, n°4); Gaston Guyot, ingénieur A.M., (rangée sup. de droite à gauche, n°2), et d’autres, furent reçus par les membres du laboratoire de la rue du Hainaut, qui leur firent les honneurs, et leur exposèrent le fonctionnement de leur si intéressant système.

Les personnalités officielles prirent le plus vif intérêt aux expériences qui furent faites sous leurs yeux et aux appareils qui leur furent présentés, et félicitèrent chaleureusement J.M. Lahy, savant modeste et sympathique, des résultats réellement remarquables déjà obtenus par lui.

Lorsque la cérémonie fut terminée, J.M. Lahy voulut bien nous donner, quelques précisions extrêmement curieuses sur sa méthode et son organisation.

Seize ans d’études…autobus

     La « psychotechnique » consiste à mesurer d’une façon précise, au cours d’un examen (1 h 30 environ), les qualités de présence d’esprit, de sang froid, de nervosité d’un homme et d’évaluer d’une manière certaine ses aptitudes à un travail déterminé.

Il ne faudrait pas croire que ce soit une science naissante et que l’inauguration d’hier soit la première ligne écrite au haut de la première page d’un grand registre tout neuf… Contrairement à ce que font beaucoup de gens, J.M. Lahy a voulu attendre que son système ait fait ses preuves et soit définitivement au point pour le présenter de façon officielle.

Il y a plus de seize ans que J.M. Lahy commença ses travaux. C’était en 1908, et la Compagnie des Tramways de l’Est Parisien s’y étant intéressée, il fut appelé à examiner un certain nombre de machinistes. Les résultats furent si notables que, bien vite, la renommée de la science nouvelle passa les mers et qu’en Amérique certaines personnes s’acharnèrent sur ces données.

autobus2Puis, vint la guerre de 1914/1918.  J.M. Lahy qui était au front appliqua ses principes à une sélection des mitrailleurs et rendit ainsi d’incalculables services.

Lorsque la tourmente fut passée, il reprit ses études pour le compte de la S.T.C.R.P., qui, à sa demande, lui adjoignit, un ingénieur des « Arts et Métiers », Gaston Guyot, capable d’étudier et de construire des appareils appelés « tests ».

Les appareils réalisés par G. Guyot furent installés au laboratoire du docteur Toulouse, à l’Ecole des Hautes études, puis, l’année dernière, furent transportés rue du Hainaut.

220 machinistes furent examinés avec les tests par J.M. Lahy qui les classa d’après les indications fournis par les « tests ». Par ailleurs, G. Guyot, sans connaître le classement de J.M. Lahy, les classa par un examen pratique d’après leur façon de conduire, leurs qualités professionnelles. Résultats remarquable : les deux classements coïncidèrent presque intégralement. C’était la consécration définitive du système.

A travers le laboratoire

     Le laboratoire se compose de quatre pièces. Les deux premières servent à examiner les candidats avant qu’ils aient appris à conduire, avant qu’ils ne soient jamais montés sur le siège de conduite d’un autobus, ou sur plateforme d’un tramway: c’est de cet examen que résulte la première sélection. La troisième est la chambre des enregistreurs où s’inscrivent les graphiques des passations des tests dans les deux premières.
La quatrième, c’est le « banc d’essai » pour le classement des conducteurs déjà en fonctions, après qu’ils aient satisfait à toutes les épreuves réglementaires.

plan du laboratoire2     La première pièce est une « chambre claire ». On y mesure, au moyen d’un dynamomètre spécial, la fatigabilité du sujet, sa suggestibilité motrice, son appréciation des vitesses et des distances.

     La deuxième pièce est une « chambre obscure » où l’on mesure  « l’attention diffusée » du sujet, c’est-à-dire la justesse et la vitesse de ses réactions de pieds et de mains, à la suite d’une excitation extérieure.

   La troisième rassemble tous les enregistreurs.

   La quatrième pièce se compose d’une plateforme de tramway absolument identique à celles en usage dans les voitures de la S.T.C.R.P. avec tous les appareils de conduite habituels, freins, leviers et d’autres. L’examiné y manœuvre, comme si il était dans une des rues de Paris ; seulement tous ses gestes sont enregistrés, et l’on constate aussi de façon indiscutable, de quelle façon, et avec qu’elle précision, il les exécute.

Les résultats obtenus

   Avant qu’on ne fasse subir aux candidats conducteurs de la S.T.C.R.P. les épreuves de psychotechnique, la proportion de ceux qui, dans les écoles, étaient déclarés inaptes, était de 20 %. Maintenant qu’une première sélection se fait dans le laboratoire, le déchet des élèves n’est plus que de 4,3 %.

On conçoit l’économie considérable qui en résulte pour la S.T.C.R.P.: économie d’argent, mais aussi de vies humaines, car que d’accidents sont évités par l’élimination des incapables.

Des horizons très vastes s’ouvrent indiscutablement devant la psychotechnique, sciences d’avenir, aux applications illimitées; et il est a peu près certain qu’on reconnaitra bientôt la nécessité d’en appliquer les principes aux mécaniciens des chemins de fer, aux conducteurs de taxis, et, en général, à tous ceux qui, de par leurs fonctions, tiennent entre leurs mains, journellement, de nombreuses existences. Et ceux qui la créèrent auront droit, largement, au respect et à la reconnaissance de tous.

Création d’une structure autonome : les EAP

   La réussite de ce laboratoire se répercuta d’abord en Europe puis à travers le monde. Durant les mois qui suivirent, déjà plusieurs projets de création de laboratoires identiques furent élaborés. Pour répondre à ces demandes, J.M. Lahy et Gaston Guyot décidèrent d’assurer la réalisation des appareils (tests) et créèrent le 9 février 1927, devant Me Legay, notaire à Paris, une Société (association en participation dans les termes des articles quarante sept à cinquante du code du commerce).

  L’association ainsi formée avait pour objet : le contrôle avant livraison par les constructeurs des appareils de Psychologie, de Physiologie et de Psychotechnique. L’étude et la mise au point d’instruments nouveaux. Le cas échéant, la construction et la vente des dits appareils.

    L’association prenait la dénomination : « Etablissements d’applications Psychotechniques » (EAP), sise à Chaville (Seine et Oise), au 27 avenue Lazare Hoche. Le gérant seul connu des tiers sera Monsieur Gaston Guyot. 

Ci-contre, la première carte commerciale de l’Entreprise.

carte commerciale

     C’est alors que fut demandé à Guyot, non seulement de fabriquer les tests, mais aussi d’organiser les centres d’examens tant en France: chemin de fer ; ministère de la marine ; des industries (Renault, Citroën) ;  services de transports, qu’à l’étranger : Belgique ; Pologne ; Roumanie ; Espagne, etc…

    Les trois axes d’activités des EAP, qui portaient sur la gestion (liée aux actions de décisions), la production (liée aux éditions et aux fabrications diverses), et les missions (liées aux actions non-commerciales) sont résumés dans l’ouvrage de Robert et Denise Simonnet-Guyot : « Un siècle de psychométrie et de psychologie », Edition L’Harmattan, Paris.

 

Sur la photo ci-contre, à gauche J.M. Lahy (1872-1943), contrôlant le fonctionnement du test de « suggestibilité »,  à coté duquel  G. Guyot (1879-1943) vérifie les enregistrements des résultats.

 

Page rédigée par Robert Simonnet